Lettre manuscrite en allemand

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Lettre de Joseph Krips

Paris, mars 1949

Roberto Benzi a 11 ans et travaille depuis deux ans la direction d’orchestre avec André Cluytens. Roberto Benzi a débuté comme chef d’orchestre dès l’été 1948 et a déjà dirigé un certain nombre de concerts en France et Belgique. André Cluytens est alors chef titulaire de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris (futur noyau de l’Orchestre de Paris), ainsi qu’à l’Opéra et à l’Opéra Comique.

L’occasion est donnée à l’élève de partager un même programme avec son Maître à la tête de la prestigieuse Société des concerts, au théâtre des Champs-Élysées.

Pour la première fois après la seconde guerre mondiale, l’Opéra de Vienne est à ce moment en tournée à Paris dans ce même Théâtre pour y présenter des opéras de Mozart dirigés par les célèbres Maestri Karl Boehm et Josef Krips.

Voici ce que Joseph Krips écrit après avoir assisté à une répétition de Roberto Benzi :

Texte allemand original de la lettre du Maestro KRIPS

Roberto Benzi ist kein Wunderkind, er erscheint mir wie ein geborenes Stück Musik. Er dirigiert nicht, er macht nicht Musik: er ist Musik. Aus dem kleinen Körper wahre Musik, dass er die Bewegungen, diese Musik auszudrücken, finden muss. Was dieses Kind macht ist zwingend und bezwingend. Alles an diesem Kind ist natürlich. Das Gefülh dieses Knaben für die musikalische Linie, das die meisten Musiker erst in reifen Jahren finden, ist heute schon in erstaulichstem Masse entwickelt. Das Kind hört jede falsche Note und korrigiert die Musiker, wie es sonst nur erfahrene Dirigenten vermögen. Gott schütze den kleinen Roberto und erhalte ihn gesund. Bei gleichbleibender Entwicklung ist die Stufe, die Roberto Benzi erreichen kann, überhaupt nicht abzusehen.
 
Paris 18.3.1949 Josef Krips

Traduction :

Roberto Benzi n’est pas un enfant prodige. Il m’apparaît plutôt comme une véritable incarnation de la musique. Il ne dirige pas, ne fait pas de la musique : il est la musique même. De sa gracile apparence, la musique émane au point de parvenir, à travers sa direction d’orchestre, à son entière révélation ! Ce que fait cet enfant est fascinant et envoûtant. Tout chez cet enfant va de soi. Le sens de ce garçon quant à la distribution sonore – que la plupart des chefs n’atteignent qu’en leur maturité – est d’ores et déjà évident ici de la façon la plus étonnante. L’enfant entend la moindre fausse note et reprend les musiciens comme n’en sont capables que des chefs de haute expérience. Que Dieu protège le jeune Roberto et le garde en sa santé. S’il persiste ainsi dans l’entendement de son art, le niveau que peut atteindre Roberto Benzi semble incommensurable.
 
Paris, le 18 mars 1949 Josef Krips